Vieillir chez soi au Québec : Un modèle unique au monde

1 novembre 2024 | Nouvelle


Pour lancer le Mois de l’économie sociale, mettons en lumière l’impact des entreprises d’économie sociale en aide à domicile (EÉSAD) qui innovent jour après jour pour offrir des services adaptés aux personnes aînées ou en perte d’autonomie.

Le vieillissement de la population mondiale s’accélère, avec environ 1 personne sur 6 dans le monde qui aura 65 ans ou plus d’ici 2050, entraînant des défis majeurs pour les systèmes de santé et les services de soutien à domicile[1]. Ici, au Québec, notre état est encore plus alarmant : d’ici 2050, plus d’une personne sur 4 sera âgée de 65 ans ou plus, ce qui représente près de 2.6 millions de personnes qui auront des besoins particuliers.[2]

Le développement et l’accessibilité des services de soutien à domicile deviennent alors des enjeux majeurs pour permettre aux personnes aînées et aux personnes en perte d’autonomie de choisir de vieillir chez elles.

En comparant l’approche québécoise avec celles d’autres pays tels que le Japon, la France et le Danemark, pays reconnus pour leurs modèles avancés de prise en charge, nous pouvons être fiers de ce que font les EÉSAD. Cette fierté s’accompagne bien entendu d’un regard intéressé à l’autre et aux modèles d’ailleurs sur la planète. Faisons un tour d’horizon de ces modèles internationaux.

 

Japon : Un système universel de soins de longue durée

Le Japon, un des pays avec la population la plus âgée au monde, s’est attaqué au défi du vieillissement en introduisant le Kaigo Hoken ou l’assurance de soins de longue durée en 2000. Ce programme universel, financé par des cotisations des bénéficiaires et des subventions de l’État, permet aux usagers d’obtenir des services de soutien à domicile et en établissement en payant seulement le dixième de la facture des soins de longue durée prodigués par le privé.

Ainsi, les personnes âgées peuvent choisir de rester chez elles avec une prise en charge complète pour des tâches domestiques et des soins de santé légers. L’équivalent de notre aide à la vie domestique (AVD) et des services d’assistance personnelle (SAP) ici au Québec. Le système japonais rencontre des défis, en raison de la pénurie de main-d’œuvre et du coût élevé associé à l’augmentation de la demande. Le Japon mise de plus en plus sur la technologie et les robots d’assistance pour alléger le travail des aidants et améliorer le quotidien des aînés ; une solution moins présente au Québec où la prise en charge humaine est priorisée et permet un contact humain auprès d’usagers souvent isolés.

France : Services à la personne subventionnés par l’État

En France, les services à la personne comprennent 26 types de services définis par la loi, permettant aux usagers de bénéficier d’une réduction ou d’un crédit d’impôt de 50 % sur les dépenses engagées. Parmi ces 26 services, cinq nécessitent un agrément de l’État, car ils s’adressent en priorité à un public vulnérable, notamment les enfants de moins de trois ans, les personnes âgées et celles en perte d’autonomie.

Selon les plus récents chiffres disponibles, 14 % des foyers français font appel à au moins un service à la personne, et ce secteur représente un total de 850 millions d’heures de travail[3]. Sur ce volume, 456 millions d’heures sont réalisées en emploi direct, où l’intervenant est directement salarié par la famille. Les 389 millions d’heures restantes sont fournies par des prestataires : 45 % par le secteur associatif, qui cible majoritairement les publics vulnérables, 46 % par le secteur privé, qui s’adresse surtout aux familles actives, et le reste par des travailleurs indépendants ou des services publics. Selon la tendance, le secteur privé continue de prendre de l’ampleur alors que les entreprises d’économie sociale existent, mais sont assez peu représentées.

D’ici 2030, le principal défi du secteur sera, sans surprise, de recruter et de fidéliser de nouvelles générations de travailleurs.

 

Danemark : Un système public intégré et universel

Le Danemark, chef de file dans le domaine des soins aux aînés, consacre plus de 65 % de son budget de soins de longue durée aux soins à domicile, favorisant ainsi les économies et répondant aux préférences des personnes âgées qui souhaitent rester chez elles.[4] Cette approche universelle et publique, financée par l’État, offre aux personnes âgées des services complets de soins à domicile, allant des tâches ménagères aux soins médicaux. Le Danemark encourage également l’adaptation des habitations et le recours à des technologies d’assistance pour rendre les domiciles plus accessibles et sécuritaires.

À la différence du Québec, le Danemark ne s’appuie pas sur des entreprises d’économie sociale, mais sur un service de soins directement administré par les municipalités. Cette approche permet notamment une uniformité des services sur le territoire. En ce sens, au Québec, miser sur les EÉSAD dans le virage sur le soutien à domicile c’est, tout comme au Danemark, miser sur des organisations enracinées dans leurs communautés et nées d’initiatives locales.

Le modèle québécois : Chez moi pour la vie

Pour permettre à nos aînés de vieillir chez eux, le Québec s’appuie de plus en plus sur les EÉSAD. Ces entreprises, administrées principalement par et pour leurs usagers et exploitées à des fins non lucratives, sont des organisations de proximité ancrées et voulues par leurs communautés.

Présentes dans toutes les régions administratives du Québec, les EÉSAD emploient plus de 9000 aides à domicile et collaborent étroitement avec le réseau de la santé afin d’offrir des services complémentaires de qualité et adaptés à plus de 100 000 usagers dont 85 % ont plus de 65 ans. Le Programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD) permet de réduire les frais des services d’AVD des usagers selon leurs revenus.

Les services offerts par les EÉSAD incluent l’aide domestique (entretien ménager léger, tâches quotidiennes, préparation des repas, menus travaux), les services d’assistance personnelle (soins d’hygiène et de santé) et des services de répit pour les proches aidants.

De plus en plus, des programmes innovants comme la gériatrie sociale sont intégrés dans les formations des aides à domicile afin de repérer les signes de vieillissement rapide lors de leurs visites quotidiennes aux personnes aînées et en perte d’autonomie.

Conclusion : le Québec, un modèle innovant en économie sociale

Le modèle québécois de soutien à domicile offre une approche unique en combinant économie sociale et coopération entre établissements publics et entreprises d’économie sociale. Contrairement aux modèles japonais ou danois qui misent sur la technologie et les systèmes publics universels, le Québec privilégie, pour le moment, une intervention humaine, locale et adaptable grâce aux EÉSAD. Ce modèle en évolution table sur des programmes comme le PEFSAD, qui est en cours de révision et qui est appelé à se déployer plus largement afin d’offrir une gamme de services accessibles à tous les usagers en perte d’autonomie.

Notre plus récent chantier, celui de l’élaboration de plans d’action régionaux concertés (PARC) entre les EÉSAD de toutes les régions du Québec et leurs centres intégrés (CISSS et CIUSSS) est aussi porteur d’innovation. L’objectif des PARC est d’améliorer la capacité de livraison des services de soutien à domicile en accentuant l’efficacité, l’efficience et la coopération des centres intégrés et des EÉSAD, le tout pour répondre à la demande actuelle et future de soutien à domicile des personnes en perte d’autonomie.

Face aux défis communs du vieillissement, le Québec peut s’inspirer des pratiques internationales, notamment en matière de prévention et de technologies d’assistance, tout en continuant de s’appuyer sur son réseau d’économie sociale pour répondre aux besoins croissants des personnes aînées.

Notre modèle québécois de maintien à domicile, unique en son genre, est une fierté qui s’inscrit parfaitement dans les valeurs du Mois de l’économie sociale, en misant sur le soutien communautaire et une économie de proximité pour les générations futures.


J. Benoit Caron
Directeur général du Réseau de coopération des EÉSAD


[1] https://www.aa.com.tr/fr/monde/en-2050-une-personne-sur-6-dans-le-monde-aura-plus-de-65-ans/3004659

[2] Portrait des personnes aînées au Québec

[3] Données de 2020 – 2021, Cf. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/etudes-et-statistiques/2023-themas-dge-n15-services-personne.pdf

[4] Les travaux de la relève : S’inspirer du Danemark pour revisiter les soins de longue durée – GEPPS